Nos sujets d’étude ont maintenant
deux années de navigation leur actif. Loin de penser qu’ils maîtrisent mers et
océans, ils ont toutefois acquis une petite expérience qu’il va être
intéressant de développer. Nous allons nous intéresser plus particulièrement
aux comportements humains des bipèdes en milieu maritime.
1 – PORTS ET MARINAS
Lieux privilégiés où croiser une
faune qui se veut être nantie du « label nautique ». Nos bipèdes sont
intrigués. En Méditerranée, et spécialement aux Baléares, ils ont été
confrontés à l’indifférence et au manque de courtoisie chronique des
professionnels et des autochtones et ce, hors saison. Aucun bipède à bord d’un
voilier de voyage à l’horizon… Ils ont continué leur chemin en espérant
« le meilleur » pour la suite et oublié très vite les désagréments de
ces escales sans intérêt.
« Radio – pontons »
Une institution non répertoriée dont
les membres sévissent allègrement dans tous les lieux animés. Ils peuvent être
une source d’information précieuse où un cauchemar s’ils alpaguent
systématiquement chaque bipède dès qu’il met le nez hors de son cockpit. Un
besoin de communiquer ou simplement d’exister, c’est selon.
Le peuple des ports
La population varie suivant les
lieux mais certaines constantes persistent. Dans cet instantané, sont exclus ports
de pêche et ports industriels.
- Marins professionnels. C’est l’armada des loueurs de voiliers et
des « baladeurs de touristes » Ils sont pléthore dans les zones
touristiques. La majorité ignore les non professionnels et agissent souvent en
« propriétaires » des lieux.
- Marins amarrés à jamais. Le physique ou le mental a lâché ;
parfois les deux. Le plus souvent d’un certain âge, pour ne pas dire d’un âge
certain, ces solitaires sont avides de contacts. Besoin d’échange et volonté de
rester les marins qu’ils ont été. Ils deviennent des « figures » du
port. Ils connaissent tout le monde, tout le monde les connaît. Ils ont bouclé
leur histoire maritime à jamais.
- Marins d’occasion. Voici le grand peuple des marinas
et ports de plaisance. L’on croise deux cas de figure : les résidents qui
vivent pratiquement à l’année sur leur voilier et les intermittents qui
investissent leurs embarcations pour quelques escapades plus ou moins longues. 85
% de ces populations sont des terriens qui assiègent momentanément l’espace
maritime mais dont le mental ignore d’état d’esprit marin. Ce sont des
« consommateurs » sans éthique. Ils adaptent simplement leur mental
et leur manière d’agir de terrien à un autre milieu sans chercher ni à le comprendre
ni à s’adapter. Nous sommes là très très loin de la pensée maritime. On les
trouve à peu près dans toutes les zones hautement touristiques où leur
concentration devient parfois très problématique comme, par exemple, en
Méditerranée ou aux Antilles.
- Marins d’un an. Depuis environ une vingtaine d’années est né un
phénomène intéressant à observer : la production de marins d’une année.
Souvent jeunes, ils ont pour objectif de boucler en ce laps de temps un tour
France/Antilles et retour. Comme s’il était nécessaire d’inclure cette
expérience dans leur curriculum vitae au même titre que leurs diplômes. No
comment.
- Marins en années sabbatiques. La plupart du temps, ces voyageurs font escale dans les ports incontournables des grandes
routes maritimes. Lieux où font escale presque systématiquement les marins
ayant de longues routes à leur programme. Très souvent en famille, ils ont préparé
avec soin leur voyage mais sont rapidement confrontés à leur manque
d’expérience. Les enfants à bord compliquent sérieusement les décisions à
prendre. Ils paient leur erreur de s’embarquer à long terme sans avoir vraiment
testé les possibles de la famille.
- Marins navigateurs. Ils ont mis les voiles depuis plus
ou moins longtemps et rejoignent leur pays le moins souvent possible. Peu
nombreux, ils se reconnaissent
instinctivement. Leurs bateaux sont des créations dédiées aux longues
aventures. Ils se distinguent facilement car sont généralement bien armés. Un
voilier de voyage s’identifie au premier coup d’œil.
De ports en marinas, nos bipèdes
ont croisé toute cette faune aussi diverse que variée de la Méditerranée aux
Caraïbes. Ces concentrations massives d’individus dans ces microcosmes sont à
des années lumière de toute philosophie maritime. Parfois révoltés par des
comportements où le chacun pour soi est la règle, ils restent souvent
« scotchés » par un manque criant de courtoisie et de politesse.
Un ponton n’est pas large et il
est tout à fait impossible de croiser un autre bipède sans le voir. Le minimum
est de dire bonjour ou au moins d’esquisser un sourire voire un petit signe. Et
bien non, sans doute certains sont-ils littéralement hypnotisés par le
revêtement du ponton qu’ils ont les yeux rivés dessus ou d’autres devenus
automates, ont tout à coup le regard fixe porté sur un point excluant
totalement le bipède qui lui fait face. Dommage et navrant.
Mais tout n’est jamais noir ou
blanc. Fort heureusement, dispersés dans ce volume humain, quelques bipèdes
marins sont aussi en escale (généralement technique car aucun voyageur n’a
l’envie des rester dans ces lieux surpeuplés) et s’ils ont la chance de se
croiser, de grands moments sont alors possibles.
Cet instantané du peuple des ports n’exprime aucun
jugement. Il est la simple présentation d’un état des lieux géographiquement
ciblé (Méditerranée et Caraïbes) dans laps de temps donné (ici deux ans).
D’autres lieux et d’autres
aventures sont à venir ; le bipède marin n’en doute pas un instant……
n’est-ce pas le sel de l’aventure et de la découverte ?